VERGE et VAGIN dentés
- Louise de Gastines
- 29 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 oct.
Alors que j'étais couchée dans mon lit, j'ouvre les yeux et je découvre en contre-plongée, mon amoureux uniquement vêtu d'une doudoune bleue. Ma vision se porte alors immédiatement sur sa nudité à demi-dissimulée.
J'ai à cet instant imaginé la sculpture que je pouvais en tirer !
Voir la sculpture "VERGE EN ANORAK" issue de la COLLECTION CURIOSITÉS. Série de sculptures en céramique émaillées, inspirées par le corps humain et le symbolisme.
A l'image des fragments anatomiques cubiques de ma trilogie Nile est née, je pense à un gros plan cadré carré, au centre duquel apparaitrait sa verge qui dépasse de l'anorak qu'il portait.
A ce stade de ma création je projette un rendu au sujet et à la composition assez insolite, et c'est finalement au fil de ma production que je tombe sur des débris de céramiques que j'avais conservé pour une raison inconnue et qui ressemblent à des morceaux de dents cassées et ensanglantées, genre de molaires à demi-arrachées.
Me revient donc le mythe du Vagina dentata, « vagin denté » en latin. Expression qui désigne une personne ayant un vagin pourvu de dents.
Si on jette un coup d’œil sur les collections de corps étrangers retirés du corps humain, on découvre une multiplicité de tératome (terme dérivé du grec tera, qui signifie monstre, et signifie littéralement « croissance monstrueuse ») qui peuvent se développer dans presque toutes les parties du corps – le cerveau, le cou, la vessie, les testicules chez les hommes ... mais également dans les organes reproducteurs féminins.
Le spécimen présenté ici est un tératome kystique, qui s’est formé à l’intérieur d’un ovaire.
Il est facile de comprendre comment de telles anomalies biologiques peuvent devenir l’objet de cauchemars et résonner aisément avec les archétypes mythiques de la femme sexuellement dévorante et mortelle.
Ce mythe se retrouve dans presque toutes les cultures. Le thème mythique du vagin avec des dents peut dans la plupart des cas être lu comme une tentative de rendre dangereuse la sexualité des femmes afin de prévenir une potentielle menace pour le pouvoir patriarcal. Certains auteurs ont même suggéré une correspondance entre cette construction mythique et les pratiques d'excision dans certaines cultures.
Ce qui fait l'horreur, c'est le désir et le désir devient monstre.
Ce fantasme originaire est un scénario aux fondements du psychisme, un mécanisme dit "inconscient" de défense du patriarcal. Je doute de son caractère inconscient et je pense que nous avons consciemment et collectivement à travailler à l'inversion du mythe afin de réhabiliter le désir et la dangerosité de la sexualité.
Plus jeune j'avais pensé écrire un livre intitulé "La perceuse amoureuse"..., je vois comment cette idée résonne avec cette sculpture à la manière d'un mythe inversé.
Claude Levi-Strauss a beaucoup travaillé sur l'inversion des mythes.
Comme dans l'enlèvement de Koré (grec) et le meurtre de Baldur (germanique) qui sont rigoureusement l'envers l'un de l'autre autour d'un invariant qui est l'introduction de la mort et de la périodicité ou bien lorsque que Mallarmé transpose le mythe de Léda et fait passer le divin, le principe créateur, du côté du féminin.
Levi-strauss formalise les processus de transformation d'un récit mythique dans l'espace ou dans le temps tout en postulant la stabilité de la structure de ce récit. Il en tire même une formule algébrique dite formule canonique du mythe (ou des mythes)
Dans son essai La Potière jalouse, l'ethnologue français pose la question de savoir :
si, loin que la pensée mythique représente un mode dépassé de l'activité intellectuelle, elle n'est pas toujours à l'œuvre chaque fois que l'esprit s'interroge sur ce qu'est la signification.


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